Le vent tresse mes cheveux en queue de poisson
Le fleuve se dénude
Je me sens pudique
Les rochers percent mes côtes
J’ai la marée basse dans mes chaussettes
Les mamelons pointant aux larges tels des gardes côtiers
Que de l’écume sur mon corps largué
Je me sens transpercé par un vide plus grand que mes rêves et ma faim
Du haut de la falaise
Je le vois se dévêtir de ses eaux
D’une aisance sans fin munie d’un fond
Une sensualité qui fait dresser le poil jusqu’au ciel, jusqu’à la lune
Ses courbes somptueuses me donnent la moue
J’y accosterais volontiers dans le creux de ses baies dans des jours meilleurs et des nuits houleuses
Les galets se dorent
Ma peau ne peut plus sourire ou dire je t’aime
Mes désirs nomades dérivent avec le courant et les mirages saisonniers
Tous sur la même barque
Un naufrage en déshydratation
Le vent souffle sur les bougies des phares
Maintenant plus de lumière
Plus de vagues frisquettes ou de nappe d’huile
Je me sens délaissée
Le fleuve ne pleure plus
Le fleuve ne boit plus
Le fleuve est à jeun
Le fleuve est muni d’une fringale creuse
Le fleuve me rend triste comme une maison inhabitée
Le fleuve m’est infidèle et j’ai la frousse
La frousse qu’il se fasse houler la vague dans un ailleurs plus beau qu’ici
Un ailleurs moins sombre
Un ailleurs plein de soleils en catamaran et de cœurs en catimini
Un ailleurs loin de moi et de mon corps démuni
Le fleuve ne m’est plus utile
Il ne m’inspire plus la plume ni la peau
Il permet seulement d’abreuver mes sanglots
Il se permet de me montrer sa nudité dans sa couverture de lin et de vanité
Je suis scandalisée
Le fleuve me rend triste
Le fleuve me désappointe sur la pointe des pieds
Je pointe désormais le regard vers des étendues plus loyales et moins chauves d’amour brut