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Ce désolant épouvantail

Sandrine Demers

Son corps avait déraillé

Désorienté

Il était non vacant sur la 10 en plein milieu des foutus champs de maïs

Des épis et des épines s'étaient logés profondément dans son cœur, dans sa chair

Bien décidés à y rester en résidence permanente, pour y porter malheur

Ça sentait l’épluchette et la rancœur

Les colibris et les geais bleus avaient pogné la frousse et la poudre d’escampette

C’était ce genre d’odeur qu’y faisait déguerpir

Pourtant il est resté, droit comme d’la charpente

Le visage en boudin

Son corps avait cimenté les semences et ses cheveux étaient devenus d’or

Telles les feuilles des épis en août

Son corps était crispé comme des étendues de terres gelées

Il avait le cœur saignant

Tellement que ça faisait éclater le maïs en sanglot

Mais c’était loin d’être le genre d’événement divertissant où on se gave de pop-corn

Les épines étaient devenues de vrais crocs

Le champ était devenu cet étang de dégoût et de déception

Les corbeaux puisaient à la source qui émanait d’abondance

Le fumier en était jaloux


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